Le mandala des orgues

Je suis donc allé au stage de Rodez dans une vie déjà antérieure après ma rentrée en tant que professeur d'éducation musicale et chant choral dans les écoles primaires de la ville de Paris, ce qui m'a permis de jouer intensivement sur quatre orgues, en particulier celui de la cathédrale.

Pendant une semaine les élèves ont silloné l'espace en passant par les quatre points cardinaux définissant l'emplacement des orgues et dessinant un mandala autour du couvent de "soeurs aînées" où nous étions logés.

Il paraît qu'il y avait plein de jolies filles dans la ville mais je n'ai rien vu du tout, mon esprit et mon corps étant rivé aux instruments et attentif aux mouvements de mes pieds écorchés par la marche pieds nus qui est stoppée pour le moment en raison d'une petite blessure. 

Je suis satisfait d'avoir pu pratiquer ce parcours fléché. Si mon premier stage était davantage consacré à la découverte de l'instrument, le second m'a permis de commencer à travailler, car les élèves disposaient de plus de six heures de travail en plus des cours et on pouvait même aller bosser la nuit !

Malheureusement ma propension naturelle consiste à passer plein de temps à essayer les jeux et à déchiffrer les morceaux (ce qui est somme toute normal au début) plutôt qu'à s'exercer de façon disciplinée et méthodique. Je me suis escrimé sur la suite seconde de Clérambault en m'instruisant sur la composition des pleins jeux et la façon de faire sonner l'instrument mais la pièce est trop difficile pour moi.

Je vais devoir repartir au début avec la méthode "Kaller". Je ne parviens toujours pas à jouer correctement (en synchronisant pieds et mains) ma pièce "Vom Himmel hoch" de Pachelbel que je vais devoir reprendre aussi, pas plus que ma petite étude pour la pédale de Schumann. Par contre j'ai déchiffré pléthore de morceaux déjà assez difficiles.

Il est très ardu de garder une pulsation stable tout en réalisant des ornements dans la musique française baroque. A vrai dire, j'ai écouté des enregistrements sur you tube qui me semblent parfois assez confus, de même que ceux de Louis Couperin, même ceux réalisés par des experts et des spécialistes. Finalement les registres utilisés semblent souvent couvrir les ornements. Je me demande si un certain nombre de conventions en la matière tiennent réellement compte des oreilles de l'auditeur ou reproduisent des habitudes.

Dans l'église du sacré-coeur où j'allais dès le matin au lever je me prenais pour le capitaine Némo à sa console. J'ai félicité le prêtre à qui je remettais les clés pour la qualité de son orgue "unique en son genre" (et particulièrement faux comme j'ai pu le vérifier en écoutant mes enregistrements) pour tourner des films de vampires.

A la cathédrale se trouve dans le cahier de bord une lettre très bien tournée un brin acerbe d'un organiste qui ironise sur la pureté des "voix célestes", les nazards nasillant, l'effacement nécessaire de certains jeux, la fausseté de la plupart et surtout le mérite extraordinaire de l'organiste titulaire de jouer sur un pareil engin. Moi j'ai bien aimé quoi qu'il en soit quoi que la position de l'organiste juste sous les gros tuyaux soit parfois assourdissante. J'ai commencé à songer à utiliser mon casque anti-bruit...

Mais le nouvel orgue dans l'église protestante d'Onet le château et celui de Saint-Amand (Puget) sont très bien équilibrés. Je garde un bilan très positif de ce stage, de l'enseignement qui a été prodigué et m'a permis de faire un premier pas en avant et trois en arrière car je ne pourrai pas brûler les étapes si je veux construire quelque chose de solide autrement que sur du sable.