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Fantaisies autour de l'orgue et des claviers
1 août 2015

L'accès à la "musique des sphères" par l'union du sens du toucher et de l'ouïe

La musique permet d'accomplir la finalité de la création si elle est correctement conçue et réalisée. Elle relie deux domaines qui sont habituellement séparés par notre façon ordinaire de vivre irréfléchie et aveugle: unir ce qui ressort de la "pensée" et du "corps" dans l'homme à travers la jonction des sens corporels et auditifs, ce qui permet de commencer à refléter par la jonction de ces canaux l'"harmonie" voulue par le Créateur. 

Habituellement, lorsque nous "imaginons" musicalement ou autrement, nous mobilisons la "folle du logis" en vivant dans un domaine complètement séparé de notre corps et de nos sensations concrètes. Inversement, lorsque nous nous préoccupons de nos doigts ou de notre corps, nous le faisons le plus souvent de façon assez mécanique, ce qui atteste sans besoin de grandes théories abstraites le divorce entre la matière et l'esprit, le corps et l'âme, l'aspiration à l'amour incarné et le rêve fumeux d'un individu qui se sent isolé et malheureux.

En tous cas ce résultat traduit ma triste expérience personnelle quand je ne fais pas l'effort de me connecter au réel. 

Il en résulte une dissociation qui peut aller jusqu'à une forme de folie furieuse dans les cas les plus extrêmes qu'on appelait autrefois "mania" : un esprit nous possède et nous ne nous appartenons plus.

Loin de conduire à un épanouissement de la personnalité, cet état conduit à une forme de dépossession qui prive l'homme de son intelligence et de son bonheur. 

En revanche, si nous sommes capables de nous relier à nos sensations tactiles dont nos doigts forment les extrémités ductiles et conductrices, nous pouvons accéder à ce mystérieux domaine que les Anciens nommaient "musique de sphère" sans guère de précisions et qui alimentaient toutes sortes de spéculations intellectuelles (qu'on retrouve chez un Kepler dans son "Harmonie des sphères") aujourd'hui disqualifiées et taxées de "chimère". 

La supériorité des grands artistes réside dans la capacité d’éprouver à côté de leurs sensations auditives merveilleuses, des sensations de toucher non moins merveilleuses… Si le grand artiste arrive à cette vérité de concordance des sensations auditives et des sensations tactiles, il faut nécessairement que cette concordance devienne la base de l’enseignement (Marie JaëllLe Toucher)

Pourtant, je suis intimement persuadé que les Anciens et les grands artistes inactuels accèdent véritablement à une région et un horizon inconnu du commun des mortels, qui explique au fond la fascination que la musique peut exercer par-delà l'attrait des distractions mondaines, du divertissement perpétuel, des passions vitales exacerbées et des amusements superficiels, car elle touche à l'absolu.  

Marie Jaëll, grand artiste et génie méconnu doté d'un sens de l'observation inégalé à ma connaissance, unissant rigieur scientifique et soif de l'absolu, a voulu rendre compte rationnellement des processus qui mènent à la "grande musique" et à la félicité musicale sinon céleste. Si elle avait été un homme, comme son ami et admirateur Liszt le lui confia, ses partitions auraient connu gloire et postérité. 

Aujourd'hui, on peine à trouver deux ou trois disques extraits de son catalogue fourni et je ne vois guère d'articles et de commentaires rendant compte de son esprit et de sa méthode en dehors de simplifications manifestes. 

Il est vrai que les artistes et musiciens professionnels sont souvent plus préoccupés par leur "rendement" musical, les carrières à mener et les images à préserver qu'à une véritable expliciation des mystères de la musique pour l'auditeur comme pour l'interprète.

Il en va ici comme dans les religions : quelques "élus" ont accès au Graal et au saint des saints tandis que la masse doit se compter de miettes misérables ou tourner sans fin autour du pot.

J'ai choisi d'entrer et de pénétrer dans le mystère musical en m'entourant de personnes vivantes ou disparues dotées d'esprit et de qualités, même s'il reste par nature indéflorable et vierge de toute souillure. ¨Comme tout trésor de qualités et de valeurs, il est gardé par de féroces gardiens tandis que les leurres sont distribués généreusement en guise d'artefacts sonores qui masquent la conscience nouvelle qui nait lorsque l'étendue concrète des sensations tactiles s'unit à la sphère abstraite constituant l'espace auditif.   

« Liszt possédait dans chacun de ses doigts un état de conscience distinct… Depuis, je suis arrivée à épurer tant soit peu mes sensations tactiles, il me paraît inadmissible que le développement de cette musique muette qui se répand dans mes doigts (car mes sensations tactiles semblent posséder une harmonie et se relier entre elles comme des sensations auditives) ne soit pas considéré comme une mesure d’hygiène manuelle et intellectuelle qui s’impose à un être civilisé (…) » (Les Rythmes du regard et la dissociation des doigts, 1906). 

En cherchant la dissociation des doigts au moyen de l'éducation du toucher musical, j'ai trouvé une faculté plus précieuse encore : la dissociation de la pensée. C'est à dire : à mesure que j'arrivais à faire simultanément plus de choses différentes avec  mes doigts, j'arrivais non seulement à faire penser plus de choses différentes à mon cerveau, mai j'ai reconnu que les mouvements dissociés, exécutés par mes doigts, ne sont rendus artistiques que si leur image préexiste dans le cerveau.

Un jour en entendant Liszt pour la première fois en 1868 il lui sembla être atteinte de «myopie musicale» : j'avais tout à coup découvert qu'il existe une perspective dans l'audition des sons.  Ce n'est pas la musique telle qu'elle est écrite par le compositeur (...) mais la transfiguration idéale qu'elle entendait, plus belle, plus divisible : sur le papier les notes n'ont pas de vie. Liszt en jouant a suggéré un esprit différent du sien, il a suggéré une autre mémoire.

Et c'est précisément la prodigieuse dissociation des doigts de Liszt, entièrement reliée à la transcendante cérèbralité de son jeu qui a provoqué le perfectionnement momentané de ma mémoire, et par conséquent de ma pensée musicale [...] Liszt possédait dans chacun de ses doigts un état de conscience distinct.

Depuis je suis arrivée à épurer tant soi peu mes sensations tactiles, il me paraît inadmissible que le développement de cette musique muette qui se répand dans mes doigts (car mes sensation tactiles semblent posséder une harmonie et se relier entre elles comme des sensations auditives) ne soit pas considéré comme une mesure d'hygiène manuelle et intellectuelle qui s'impose à un être civilisé ou qui se dit tel.

J'ai prêté à l'harmonie du toucher une mission éducative spéciale : celle de fournir des éléments nouveaux à l'éducation du cerveau.

L'éducation de la main devrait être considérée comme une des bases de l'éducation du cerveau [...] Les hautes mathématiques auditives que nous enseigne l'art musical se complètent par le géométrie sensitive qui apparaît dans l'art du toucher.

La conscience vague que nous avons des mouvements réalisés par nos doigts doit être remplacée par une conscience intégrale.

Marie Jaëll remarque que les images des pulpes de chaque doigt se superpose et que le pianiste doit penser à 25 images par main : C'est sur le miroitement de ces images que se basent les principes attractifs de la sensibilité du toucher (...] au bout de nos doigts une boussole sensitive. [...] La répétition de l'effort est nuisible. On se mécanise. Ce qu'on apprend rapidement est le meilleur.

Par ces notions nouvelles, l'activité du cerveau et l'activité des mains se transforment.

En réalité dès que les représentations colorées interviennent, les sensations tactiles s'éclairent comme si des éléments vitaux nouveaux s'introduisaient dans la conscience de la main. Il semble que les tissus restés jusque-là opaques sont rendus transparents et provoquent des images sensitives nouvelles

Si par contre j'évoque dans ma pensée la vision simultanée de mes appareils papillaires, il se passe quelque chose dans la sensation de mes mains que je puis comparer à une musique don't la complexité d'aucune musique réellement entendue n'a pu me donner une idée approchante

Elle fait des systèmes papillaires (les empreintes digitales) l'appareil du tact, déterminé avant la naissance et qu'on ne peut modifier. C'est sur lui que doit être basé l'instinct musical qui peut se manifester dans le toucher.

L'anesthésie du toucher est provoqué dès qu'on réalise des touchers sans sentir de relation entre ces touchers. On est musicalement sourd, dès qu'on entend les sons sans entendre les relations qui existent entre les sons. Il y a deux genres de surdité musicale : celle qui consiste à ne pas entendre les relations qui existent entre les différents sons, celle qui consiste à ne pas entendre les relations qui existent entre les différents timbres. 

La grande santé musicale émerge lorsque la connexion entre la sensation et l'idée se produit. Alors un nouvel espace et une synestésie suspectible d'un agrandissement et d'une subtilisaiton infinie se déploie. 

En réalité celui qui touche musicalement  éprouve des sensations tactiles intenses, grâce auxquelles il peut se représenter visuellement les claviers minuscules de ses pulpes qu'il met en contatc avec les touches. Ceux qui harmonisent leurs pressions sans connaître le mécanisme linéaire correspondant à cette harmonie n'en possèdent pas moins une représentation intuitive, puisque c'est par la coordination linéaire intuitive que leur toucher devient musical.

Chez ceux qui l'ont acquise volontairement, cette harmonie correspond non seulement à des sensations de vibrations constantes perçues dans toute l'étendue des phalangettes, mais il s'y joint aussi des sensations plus intenses encore éprouvées dans les ongles, telles qu'on les éprouve réellement quand on réalise une pression. De plus, les mains maintenues immobiles dans l'espace, restent elles-mêmes si vibrantes, qu'elles seraient portées à accuser les yeux d'impuissance, puisque l'espace parait vide à ceux-ci, tandis qu'à elles l'espace reste si perceptible qu'il semble s'adapter comme un gant d'une élasticité fluide, aux sillons les plus infimes de leur peau; et loin de produire la moindre gêne, ces sensations d'espace servent de stimulant aux mouvements dont la liberté apparaît plus complète. 

En somme, l'harmonisation volontaire des touchers correspond à un état de conscience en quelque sorte nouveau, qui ne s'applique pas seulement aux fonctions artistiques des doigts. Dans cet état de conscience, tout est perçu différemment par la main. 

La pensée élargit effectivement le cadre des sensations tactiles réelles à travers des fils conducteurs invisibles dans lesquels se localisent des sensations nouvelles qu'on pourrait appeler irréelles. C'est à dire qu'il se fait une identification remarquable entre la capacité de se représenter visuellement l'orientation des claviers minuscules des pulpes et la capacité de mesurer l'espace qui se produit entre l'écartement des doigts, pendant l'exécution des touchers.

On sent les divisions de l'espace succéder à la division de la sensibilité tactile, comme si l'on voyait des fils tendus au delà des organes visibles, de sorte que la main ne semble former qu'un seule force avec l'espace qui l'entoure. Sous l'influence de cet élément élastique, rendu mesurable par l'affinement des sensations tactiles, la conscience se modifie au point qu'il semble qu'un conscience distincte se forme dans chaque doigt, et qu'à travers ces consciences distinctes apparaît l'unité de la main dans un équilibre constant provenant de la liberté de mouvement acquise par chaque doigt.

Transmise au clavier, l'harmonisation des pressions produit, si on peut dire, une photographie auditive des sensations tactiles; et ces sensations qui ne paraissent se rapporter qu'à la surface des pulpes sont en réalité en corrélation avec une adaptation spéciale de la totalité des sensations musculaires provoquées dans l'organisme. 

Mais pour accéder ou au moins entrevoir cette expérience, il me semble qu'il faut parvenir à établir une authentique relation personnelle avec son instrument et les autres êtres, condition du dialogue fécond entre les voix convergentes qu'exprime l'harmonie et le contre point, ce qui est évident et naturel

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pour des êtres évolués comme Marie Jaëll mais peut-être moins pour moi. 

 

 

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Fantaisies autour de l'orgue et des claviers
  • Je suis pianiste-organiste grand amateur mais je souhaite progresser et acquérir une qualité professionnelle par l'application de la méthode de Marie Jaëll restituée aux différents claviers.
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