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Fantaisies autour de l'orgue et des claviers
29 octobre 2015

Amour en musique

Le premier "coup de foudre" a eu lieu à l'église de Montpon avec son orgue parfaitement entretenu aux jeux chatoyants et bigarrés. Ma fille adore monter le petit escalier en tourelle qui monte en colimaçon une fois la porte aux mystères poussée. Elle dessine à côté de moi pendant que je joue et s'essayer à faire quelques notes et quelques "pédales" de temps en temps. Elle rale quand je mets la trompette beaucoup trop forte ou le plein jeu qui nous canardent véritablement les oreilles et sont presque assourdissant. Certains disent que l'organiste a la pire place pour profiter de l'orgue...  

Mais que dire au sujet de l'extraordinaire impression laissée par les orgues baroques dans la niche aux trésors du maître des lieux à part recommander cette visite pour que chacun fasse cette rencontre éminemment personnelle ? Il nous reste encore quelques instruments à découvrir dans cette "capitale de l'orgue" en Aquitaine qui valent sûrement le détour mais nous avons déjà été au "coeur" de ce "lieu de pouvoir" au sens de Castaneda par la petite route qui passe par Saint-Emilion,les vignes ambrées de l'automne et les châteaux avinés qui poussent comme des champignons.

En réalité, la "rencontre"entre l'homme et la "condensation matérielle du souffle de l'esprit" ne se déroule pas pas tant physique que spirituelle, puisque l'instrument ne vaut pas tant par le son attrayant au premier abord qu'il produit et son apparence esthétique plaisante que par les "impressions de l'âme" et les évocations qu'il peut nous procurer.

De même qu'une personne a de la valeur et s'évère précieuse non pas tant pour ce qu'elle "est" dans on apparence première (parce qu'en définitive nous ne sommes vraiment pas grand chose...) mais pour l'univers qu'elle porte potentiellement en elle et qu'elle suggère indirectement, un instrument a une puissance évocatrice d'autant plus forte qu'elle passe par des canaux multiples en expansion et en raffinement. 

Si nous essayons de nous "élever" et de contempler la source de la Beauté en partant de ses manifestations les plus visibles et plus évidentes par un travail de re-création intérieur (s'imaginer les composants de l'instrument et de l'interprète ainsi que les sons produits de façon réaliste et vivante mais non sensible et immédiate), nous pouvons avoir une expérience qui transcende le strict domaine de la musicalité qui nous fait passer dans une région supra-sensible.

Ainsi nous pouvons commencer à relier la musique à notre vie dans son ensemble et ne pas vivre scindé en deux, en une conscience "musicale" extra-ordinaire exaltant et un quotidien qui demeure déprimant le reste du temps. En effet, cette faculté ne dépend plus de conditions externes pour se développer, même si elle repose indéniablement sur une base physique. 

Il s'agit là d'un travail conjoint et symphonique du coeur et de l'esprit qui révèle progressivement l'"âme" par une épuration des sensations (il faut bien mettre de mots pour qualifier un mouvement en réalité physiologique, ces qualificatifs qui sonnent de façon poétique désignent un fait des phénomènes tout à fait physiques et concrets et ne se ramènent pas à des rêveries sentimentales).

Cette "épuration" de la sensibilité est simultanément une pénétration de l'esprit dans la matière, de la conscience qualifiée dans une forme plastique et indéterminée au départ (qui gagne en précision par ce processus) et non une "mise à distance" du sujet (l'interprète ou l'auditeur) et de l'objet (la partition ou l'audition de l'oeuvre). A cet égard chaque instrument de la grande famille des claviers possède sa propre qualité qui a son revers comme les deux manches de la chemise et les deux faces de la médaille.

L'orgue a un son continu et pulsant sans fin à l'image du "Père" dans la trinité. Il suffit d'appuyer sur la touche et la soufflerie fait le reste (depuis qu'on a plus besoin de pomper...) sans besoin de se fatiguer trop (j'ai même constaté qu'il était beaucoup plus facile digitalement parlant de jouer des sonates de Beethoven et Haydn sur orgue que sur piano et je compte réaliser des "adaptations" que je présenterai peut-être en stage l'été prochain).

Dans le cas du clavecin et de l'épinette, l'artiste paraît parfois lui aussi un peu distancé et à la limite précieux, à l'image de l'archétype de la jeune fille pure et innocente qui illustre le "Parthénia", manuscrit célèbre des virginalistes présentant une charmante jeune femme au clavier et qui est reprise systématiquement dans ce genre d'inconographie et de tableaux comme canevas.

Du coup, le corps même de l'interprète est quelque peu mis à distance, il n'y a pas de nécessité absolue de s'engager comme dans le cas du piano (on voit bien par exemple qu'Hélène Grimaud dompte son instrument comme un loup grâce à des variations plus sauvages que sérieuses tandis que G.Gould se donne corps et âme pour le faire "parler" et révéler son langage secret, ce qui le rend fascinant et hypnotique), d'entammer la lutte féroce et décisive avec la projection de ses émotions et de son inconscient, soit par déficit sonore (dans le cas du clavecin) soit par surcroit et excès (dans le cas de l'orgue).

Finalement un piano à pédalier intégrant une soufflerie serait peut-être l'idéal des instruments à clavier ou faudrait-il concevoir une sorte de "mixture" présentant en combiné les trois. Avis aux facteurs de clavier pour cette idée hautement fantaisiste ! 

Si le "corps à corps" avec l'instrument peut être évité et biffé, on en arrive à ces interprètes brillants mais qui ressemblent finalement peu ou prou à des robots (raidis au niveau de leur buste, laissant passer et conduire les sons mais refusant le combat à l'avance et donnant un arrière goût de défaite dans une ambiance nihiliste, je ne citerai pas de noms) ou à des ornements de salon qui ont certes leur charme mais manquent d'intensité.

Simplement il est difficile d'ouvrir les boîtes de la passion, de conjuguer l'idéal le plus haut et les vissicitudes de l'existence comme en témoigne ce merveilleux site où sont publiées des lettres d'amour de personnages célèbres hautement cultivées : dans la plupart des cas il sombre et s'abîme dans l'ordinaire, paradoxalement faute d'idéal incarné et par une mesure excessive malgré une apparence débridée.

Lire ces lettres rassure autant qu'inquiète, car les plus grands et fins esprits, connaisseurs et amateurs ont échoué dans leur quête tout en ayant fait jaillir ici et là quelques étincelles. Il y a donc autre chose à trouver et découvrir entre l'interprète et son médium, l'amour et ce qu'il vise. Ce mystère donne vie et corps à une réalité indescriptible, à la fois création nouvelle et émanation pure, qui allie puissance et faiblesse, force et douceur, intensité et nuances, grâce et tremblements.

Le corps et l'esprit sont co-acteurs de cette réalité. Le premier doit être "réparé" et le second doit remonter à son origine pure et incréée afin de s'y établir en permanence en générant des impressions extra-ordinaires. Quand ces deux mouvements sont réunis, alors quelque chose comme le bonheur, la félicité et la joie peuvent apparaître et rayonner au dehors.   

L'oreille doit aller au-delà l'apparence visible et audible si l'artiste amateur de musique (qui peut être le simple auditeur) veut donner du sens aux formes et impressions sonores immédiates pour épanouir son jardin sonore et tactile. Elle se "creuse" en dedans en approfondissant ses sensations et en créant une chaîne de réciprocité active entre le son perçu initialement passivement, l''"image intérieure" engendrée (à la fois tactile, motrice et sonore) qui se développe à l'aune d'un entraînement d'une conscience qui s'épanouit dans un "son nouveau". 

Au delà et en deça du charme immédiat et de la flatterie des sens se trouve cette source de paradis, cette "claire-fontaine" évoquée dans les chansons d'enfance et souvent oubliée par les musiciens professionnels qui ont été gagné malgré eux par la vision nihiliste et désespérée du monde moderne. J'en veux pour preuve le catalogue des sites et des blogs qui sont certes très intéressants, utiles et même indispensables, mais qui ne relatent pas grand chose de l'expérience personnelle.

Mais qu'est-ce qui restera en fin de compte à l'issue de notre existence terrestre ?   

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Fantaisies autour de l'orgue et des claviers
  • Je suis pianiste-organiste grand amateur mais je souhaite progresser et acquérir une qualité professionnelle par l'application de la méthode de Marie Jaëll restituée aux différents claviers.
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